Amaryll Schwertner / Chef de Boulette's Larder

dimanche 2 août 2015



            En mai 2013, j'ai eu l'occasion de rencontrer Amaril Schwertner, chef du fameux restaurant "Boulette's Larder", situé au Ferry Building de San Francisco. Je m'y étais rendue avec un peu d'appréhension... C'est Françoise (mon hôtesse SF), inconditionnelle du restaurant, qui m'a obtenu ce rendez-vous en allant directement demander à l'intéressée si elle serait d'accord de participer à mon projet. Je me demande si Amaryll jouera le jeu avec sympathie ou avec agacement, étant donné qu'on lui a un peu forcé la main. Je la retrouve dans son repère et nous nous dirigeons vers un coin plus "calme" du Ferry Building afin de commencer l'interview. 

           Après avoir posé ma première question, je sens déjà que je suis la bienvenue et que la Chef se fait un plaisir de me répondre. Je lui demande d'où vient sa passion, et elle me raconte avec véhémence une histoire fascinante à propos de ses origines. Amaryll vient d'une famille de réfugiés hongrois, et c'est surtout sa grand-mère qui s'est occupée d'elle durant son enfance. Cette dernière avait travaillé pour un restaurant très reconnu en Hongrie et était une incroyable cuisinière. Elle aimait remplir ses repas de bons ingrédients aux saveurs de son pays désormais si lointain. "Elle ne faisait jamais de courses au supermarché", se souvient Amaryll, "elle allait chez des amis fermiers et menait son enquête auprès d'eux afin de dénicher tel ou tel produit". Grand-mère Schwertner aimait cuisiner à toute heure du jour ou de la nuit. "Je la retrouvais parfois en train de cuisiner à 1h du matin car elle voulait absolument nous présenter telle ou telle pâtisserie pour le petit-déjeuner. Pour elle, cuisiner était une façon de nous communiquer son affection." Amaryll n'avait pas le droit d'aider dans la cuisine car c'était une "affaire d'adultes", mais elle ne s'est jamais privée d'observer sa grand-mère à l'oeuvre. Lorsque la future Chef est partie à l'université et s'est retouvée seule dans la cuisine, elle s'est rendue qu'elle n'avait en fait jamais cuisiné auparavant. "Au départ, je me suis sentie désemparée, mais j'ai vite réalisé à quel point il était facile pour moi de faire la cuisine. Le langage était déjà en moi, je ne savais simplement pas encore comment le pratiquer." Amaryll a alors commencé à travailler dans un restaurant dans le but de financer ses études, et son talent naturel n'a fait que s'enrichir. "J'avais de bons réflexes et je retombais toujours sur mes pieds. Les autres venaient vers moi lorsqu'ils avaient des questions. C'est là que je me suis vraiment rendu compte que j'étais douée, et que je pouvais gagner de l'argent tout en faisant ce que j'aimais." Notre Chef a donc décidé de faire de sa passion son métier, et ouvre Boulettes Larder en 2004, un restaurant qui renouvelle quotidiennement son menu, entièrement composé de produits frais et locaux. "La passion me vient des ingrédients. Quand ils sont beaux, je me sens intriguée et j'ai envie d'avoir une véritable relation avec eux. Je les utilise comme une palette de couleurs avec laquelle je peux créer quelque chose de nouveau." 

Mais qu'est-ce que la "passion"? "De nos jours, les gens parlent beaucoup de passion, surtout dans l'univers de la cuisine. Le terme est utilisé à tout-va et perd beaucoup de son sens, c'est devenu un cliché. Selon moi, la véritable passion, celle dont tu me parles, je l'assimile à la "faim". La passion vient des déceptions et de la faim que l'on a pour la vie. Vivre des moments difficiles ne fait que la renforcer." 

Je finis par lui poser mon inévitable question: quel est l'aspect de son métier qu'elle préfère? "Ce que je préfère, c'est le fait de vivre de mon talent et de ne jamais l'en lasser. Je travaille 18 heures par jour depuis 30 ans, mais je ne me sens jamais lasse. Le travail est parfois difficile, mais j'arrive toujours à y trouver de la joie. La cuisine est une forme d'art, et je me considère donc comme une artiste. Tant de personnes recherchent cela - gagner sa vie grâce à son talent et sans cesse s'y épanouir. C'est triste de traverser la vie sans avoir découvert ce pour quoi on est doué. C'est pour ça que je me considère très chanceuse. C'est une chance énorme de pouvoir aller à l'intérieur de soi tous les jours et d'y puiser un pouvoir créateur." Le succès de Boulettes Larder ne fait que s'amplifier- le restaurant s'est récemment agrandi et comprend désormais un nouvel espace: le Bouli Bar, toujours au Ferry Building… 

NB: Pourquoi Boulettes Larder? "Boulette" est le nom d'une chienne hors du commun, un berger hongrois de 14 ans. Elle a été dressée pour devenir un animal de "service". Elle peut ouvrir une fenêtre, rester calme dans un avion, se servir dans le frigo... Amaryll a commencé à écrire l'histoire de son chien et l'a proposée à des employés de Pixar, en visite dans son établissement. Affaire à suivre...


BOULETTE'S LARDER - Ferry Building Marketplace, 1 Ferry Building, San Francisco 

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